lanceurs alertes sapin 2

La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, institue un cadre général pour la protection des salariés auteurs d’une alerte respectant les conditions prévues par ce texte.

Salarié lanceur d’alerte : Préambule

Avant l’adoption de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin 2, il n’existait pas, en France, de réglementation générale du statut des lanceurs d’alerte et donc du salarié lanceur d’alerte. Seuls avaient été adoptés des textes, épars, permettant, dans des domaines spécifiques, d’assurer une protection, en particulier contre les sanctions ou mesures discriminatoires, aux personnes témoignant ou relatant de certains faits dont elles avaient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions : notamment faits de corruption (C. trav. art. L 1161-1), risque grave pour la santé publique ou l’environnement (CSP art. L 1351-1), pour la sécurité des produits de santé (CSP L 5312-4-2) ou encore conflits d’intérêts intéressant des responsables publics (Loi 2013-907 du 11-10-2013 art. 25).

Un socle de droits pour les salariés lanceurs d’alerte

Un socle de droits, communs à tout lanceur d’alerte au sens de la nouvelle loi, est désormais posé.

Il s’applique en principe depuis. le 11-12-2016, un décret devant toutefois préciser les modalités de mise en place de procédures de recueil des alertes par les entreprises d’au moins 50 salariés. Son application à ces entreprises est donc différée. Des dispositions spécifiques, non détaillées ici, sont en outre prévues pour le recueil des alertes dans le secteur bancaire et financier.

Parallèlement au statut des lanceurs d’alerte, la loi pose aussi l’obligation, pour les grandes entreprises, d’adopter à compter du 1-6-2017 un programme anticorruption dont elle définit le contenu.

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Qui sont les lanceurs d’alerte protégés par la loi ?

Le statut de lanceur d’alerte est réservé à la personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance (Loi Sapin 2 art. 6, al. 1).

Cette définition exclut qu’une personne morale (association ou syndicat professionnel notamment) puisse être considérée comme un lanceur d’alerte.

  • La bonne foi exigée du salarié lanceur d’alerte renvoie bien sûr à l’absence d’intention de nuire.
  • Elle s’apprécie aussi par rapport à son contraire, la mauvaise foi, que la chambre sociale de la Cour de cassation a définie, dans le cadre du contentieux concernant la dénonciation de faits de harcèlement, comme supposant la connaissance par le salarié lanceur d’alerte de la fausseté des faits allégués (notamment Cass. soc. 7-2-2012 n° 10-18.035 FS-PBR).
  • Le désintéressement suppose quant à lui que l’alerte ne soit pas lancée avec l’espoir d’une compensation, quelle qu’elle soit, matérielle ou non.

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À qui l’alerte doit-elle être signalée ?

La procédure de signalement des alertes prévue par la loi comporte trois étapes successives.

  • Le salarié lanceur d’alerte doit en premier lieu porter le signalement à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par ce dernier.
  • Ce n’est que si ce premier destinataire n’a pas vérifié la recevabilité du signalement dans un délai raisonnable que le salarié peut adresser celui-ci à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.
  • Et ce n’est qu’en dernier ressort, à défaut de traitement de l’alerte par lesdites autorités, dans les 3 mois de leur saisine, que le salarié lanceur d’alerte peut la rendre publique (Loi Sapin 2, art. 8, I).

Toutefois, par exception, l’alerte peut être portée directement à la connaissance des autorités précitées et être rendue publique en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles (Loi Sapin 2, art. 8, II).

À cet égard la question se pose, examinée plus loin, des conséquences du non-respect par le salarié lanceur d’alerte de cette procédure alors qu’il remplit par ailleurs tous les critères pour être considéré comme un lanceur d’alerte : nature du signalement, désintéressement et bonne foi notamment.

Quel est le rôle du Défenseur des droits ?

Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte (Loi Sapin 2, art. 8, III). Elle ne peut faire l’objet, au motif de cette saisine, de mesures de rétorsion ou de représailles (Loi 2011-333 du 29-3-2011, art. 20 modifié).

En revanche aucune aide financière ne peut être accordée au salarié lanceur d’alerte par le Défenseur des droits. Le Conseil constitutionnel, saisi sur ce point par 60 sénateurs, a en effet invalidé les dispositions de l’article 14 de la loi Sapin 2 ainsi que celles de l’article unique de la loi organique 2016-1690 du 9-12-2016 qui permettaient à celui-ci d’accorder aux lanceurs d’alerte une avance sur frais de procédure et un éventuel secours financier temporaire. Il a estimé que l’octroi de ces aides n’entrait pas dans les limites de la compétence du Défenseur des droits (Cons. const. DC 8-12-2016 nos 16-740 et 16-741 : JO 10).

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Quelles sont les obligations des entreprises ?

  • Mettre en place une procédure interne.
  • Les entreprises d’au moins 50 salariés doivent établir, dans des conditions devant être précisées par un décret, des procédures appropriées de recueil des alertes émises par les membres de leur personnel, salariés, ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels (Loi Sapin 2 art. 8, III).
  • On rappelle que la mise en place dans l’entreprise d’un dispositif d’alerte professionnelle, dès lors qu’il implique le recueil et le traitement de données à caractère personnel, nécessite une déclaration préalable auprès de la Cnil : déclaration simplifiée si le dispositif est en tout point conforme à la délibération Cnil 2005-305 du 8-12-2005 telle que modifiée, en dernier lieu, par la délibération 2014-042 du 30-1-2014 ; déclaration normale dans les autres cas.
  • Assurer la confidentialité de certaines données.

Les procédures mises en oeuvre dans l’entreprise pour recueillir les alertes doivent garantir la stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires. Sauf à l’égard de l’autorité judiciaire, les éléments de nature à identifier le salarié lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec son consentement. Et, toujours sauf à l’égard de l’autorité judiciaire, ceux permettant d’identifier la personne mise en cause ne peuvent l’être qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte.

La divulgation d’éléments confidentiels, en contravention avec ces principes, est passible de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (Loi Sapin 2 art. 9).

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Adopter le cas échéant un programme anticorruption

À partir du 1-6-2017, les sociétés d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros, ou appartement à un groupe de sociétés réunissant ces conditions et dont la maison mère a son siège en France, devront adopter un programme anticorruption, détaillé par la loi, destiné à prévenir et détecter la commission, en France ou l’étranger, d’actes de corruption ou de trafic d’influence.

Ce programme anticorruption devra comporter diverses mesures, telles que, notamment : l’intégration dans leur règlement intérieur, avec à ce titre consultation préalable des représentants du personnel, d’un code de conduite définissant et illustrant les comportements à proscrire ; la mise en place d’un dispositif de recueil des alertes émanant des salariés lanceurs d’alerte et d’un dispositif de formation du personnel le plus exposé aux risques de corruption ou de trafic d’influence ; l’institution d’un régime de sanction disciplinaire en cas de violation du code de conduite Loi Sapin 2, art. 17, I et II).

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De quelle protection bénéficie le salarié lanceur d’alerte ?

Interdiction des sanctions ou discriminations

Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié lanceur d’alerte ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi (C. trav. art. L 1132-3-3, al. 2 nouveau).

Les actes ou dispositions contraires à ces interdictions sont frappés de nullité en application de l’article L 1132-4 du Code du travail.

En cas de rupture de son contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, le salarié lanceur d’alerte peut saisir la formation de référé prud’homal (Loi Sapin 2 art. 12).

Le salarié lanceur d’alerte bénéficie par ailleurs d’un aménagement des règles de preuve en cas de litige : il lui suffit de présenter au juge des éléments de fait permettant de présumer qu’il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi. Il incombe alors à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, si nécessaire, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (C. trav. art. L 1132-3-3, al. 3 modifié).

Immunité pénale en cas de violation d’un secret

N’est pas pénalement responsable la personne répondant aux critères de définition du lanceur d’alerte qui porte atteinte à un secret protégé par la loi dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause et qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi (C. pén. art. 122-9 nouveau).

Sont toutefois expressément exclus du régime de l’alerte, et donc de l’immunité pénale, les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client (Loi Sapin 2, art. 6, al. 2).

Répression des obstacles à l’alerte

Pour rendre le droit d’alerte efficient, il est prévu que toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement aux personnes et organismes compétents est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (Loi Sapin 2, art. 13, I).

Procédure abusive contre un salarié lanceur d’alerte

Le juge d’instruction ou la chambre d’instruction saisi d’une plainte pour diffamation contre un salarié lanceur d’alerte et estimant que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire peut prononcer à l’encontre de l’auteur de cette plainte une amende civile pouvant aller jusqu’à 30 000 € (Loi Sapin 2, art. 13, II).

Contrairement à ce que nous avons pu lire dans certains commentaires de la loi, il ne s’agit pas d’une amende destinée à pénaliser le lanceur d’alerte mais, au contraire, à le protéger en sanctionnant l’auteur d’une constitution de partie civile abusive ou dilatoire pour diffamation dont le salarié lanceur d’alerte serait victime. Ce que risque l’auteur d’une alerte en cas de mauvaise foi est exposé plus loin.

Que risque le salarié ne respectant pas la procédure d’alerte ?

Il résulte de la loi que la protection contre les sanctions ou discriminations s’applique aux personnes ayant signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi et que le bénéfice de l’immunité pénale en cas de violation d’un secret protégé suppose, lui aussi, le respect des procédures de signalement. Mais il ne faut pas en déduire l’exclusion automatique du statut protecteur de lanceur d’alerte pour tout manquement à la procédure de signalement, quel qu’en soit le contexte.

Les sénateurs souhaitaient faire du respect de la procédure de signalement un élément constitutif de la bonne foi du salarié lanceur d’alerte mais cela a été écarté. De plus, lors des débats préalables au vote de la loi, il a été souligné qu’une certaine souplesse devait être conservée pour permettre aux juridictions d’apprécier la situation et la régularité de l’alerte au regard des circonstances de l’espèce et non du strict respect de la procédure. Ainsi, selon le ministre des finances et de l’économie, si le supérieur hiérarchique est impliqué dans les faits que le salarié entend dénoncer, ce dernier peut s’adresser au référent plutôt qu’à ce supérieur (déb. AN 28-11-2016). Il peut aussi agir directement par la voie extérieure à l’entreprise sans perdre la protection prévue par la loi (déb. AN 9-11-2016).

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Et celui dénonçant des faits de mauvaise foi ?

Faire un signalement de mauvaise foi, en ayant connaissance du caractère mensonger des faits dénoncés, peut être lourd de conséquences pour le salarié lanceur d’une alerte.

Exit, bien évidemment, la protection organisée par la loi. L’intéressé encourt des sanctions, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave, voire pour faute lourde s’il a agi avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Il peut être poursuivi pour dénonciation calomnieuse notamment et encourt à ce titre des peines maximales de 5 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (C. pén. art. 226-10). Il engage en outre sa responsabilité civile et peut être condamné à réparer le préjudice subi par la victime de cette infraction.

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