
L’appel à la mobilisation du 10 septembre circule depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux. Objectif affiché : protester contre les mesures d’économies budgétaires présentées par le gouvernement Bayrou, dont la suppression de deux jours fériés, en paralysant le pays pendant une journée.
De nombreux salariés pourraient choisir de rejoindre ce mouvement, soutenu par plusieurs syndicats. En pratique, comment gérer la situation lorsqu’un collaborateur vous informe de son intention de faire grève ?
La grève : un droit fondamental, mais encadré
Le droit de grève est protégé par la Constitution. En conséquence, un salarié qui décide de ne pas travailler pour participer à un mouvement de grève bénéficie d’une protection spécifique : il ne peut pas être sanctionné ni licencié sur ce fondement.

En revanche, cette protection n’est pas illimitée : bloquer les accès, dégrader du matériel ou empêcher les non-grévistes de travailler peut être considéré comme un abus, passible de sanction.
À lire également : Bonus-malus chômage 2026, des changements à anticiper.
Quand parle-t-on vraiment de grève ?
Pour être reconnue juridiquement, la grève doit répondre à plusieurs critères :
- Un arrêt total du travail (peu importe la durée, une heure suffit).
- Un mouvement collectif, initié par plusieurs salariés ou à la suite d’un appel national.
- Des revendications professionnelles (ex. : rémunération, conditions de travail, emploi, etc.).
Un salarié qui suit le mouvement national du 10 septembre entre bien dans ce cadre, même si c’est le seul gréviste dans votre entreprise.
À connaitre : Tout savoir sur la retraite progressive à partir de 60 ans.
Information de l’employeur : pas de préavis de grève dans le privé
Contrairement au secteur public où un préavis de 5 jours ouvrables minimum est exigé, vos salariés du privé n’ont aucune obligation de vous prévenir avant d’arrêter le travail. Cette différence fondamentale s’explique par la volonté du législateur de préserver le caractère spontané et libre du droit de grève dans les entreprises privées. Il suffit simplement que vous connaissiez leurs revendications au moment où la grève démarre, sans aucun formalisme particulier.

Cette absence de préavis peut créer des situations délicates pour l’organisation du travail, notamment dans les secteurs où la continuité de service est cruciale. Vous devez donc être en mesure de réagir rapidement et d’adapter votre fonctionnement sans délai de préparation. Cependant, cette règle s’applique de manière uniforme, quelle que soit la taille de votre entreprise ou votre secteur d’activité.
Les revendications peuvent être transmises de différentes façons : oralement, par écrit, via les représentants du personnel ou même par simple affichage. L’essentiel est qu’elles soient portées à votre connaissance et qu’elles concernent des questions d’ordre professionnel. Dès lors que ces conditions sont réunies, la grève est juridiquement protégée même sans le moindre préavis.
À connaitre également : Procédure de licenciement inaptitude au travail, les clés pour ne pas commettre d’impair.
Conséquences pratiques de la grève pour l’entreprise

Lorsqu’une grève se déclenche dans votre entreprise, elle entraîne des conséquences juridiques et financières précises qu’il est essentiel de maîtriser. En tant qu’employeur, vous devez connaître vos droits et obligations pour éviter tout faux pas qui pourrait vous exposer à des sanctions. Voici les principales règles qui s’appliquent dès l’arrêt de travail.
Impact sur la relation contractuelle
Suspension du contrat de travail : pendant la grève, le contrat est suspendu mais pas rompu. Cela signifie que le lien contractuel demeure intact, mais que les obligations réciproques (travail contre rémunération) sont temporairement interrompues. Cette suspension protège le salarié gréviste de tout licenciement lié à sa participation au mouvement, tout en vous dispensant de vos obligations d’employeur pendant cette période.
Gestion de la rémunération
Rémunération : vous pouvez pratiquer une retenue sur salaire strictement proportionnelle à la durée de l’absence. Cette retenue doit être calculée au prorata temporis exact, sans majoration ni pénalité supplémentaire. Pas plus, sous peine de sanction pour « retenue abusive » qui pourrait être requalifiée en sanction déguisée.
Primes : attention aux règles d’égalité de traitement concernant les éléments variables de rémunération. La réduction d’une prime liée à l’absence peut être admise, mais uniquement si elle s’applique de manière identique pour toute autre absence non assimilée à du temps de travail effectif (congés sans solde, absence injustifiée…). Cette cohérence de traitement est scrutée de près par les tribunaux.
À savoir : Apprentissage dans les Hôtels, cafés, restaurants, les rémunérations revalorisées dès le mois d’août 2025.
Bulletin de paie et grève
La gestion administrative de la grève sur le bulletin de salaire obéit à des règles strictes de confidentialité et de neutralité. Cette approche protège la vie privée du salarié tout en vous évitant d’éventuels conflits juridiques liés à la stigmatisation du droit de grève. L’établissement du bulletin doit donc respecter une terminologie neutre et légalement encadrée.

Il ne doit pas mentionner le mot « grève » sur le document de paie. Cette interdiction découle du principe de confidentialité et du respect de la liberté syndicale, car le bulletin peut être consulté par des tiers (banques, administrations…). La mention à renseigner est obligatoirement « absence non rémunérée », qui constitue la formulation légale de référence.
Cette mention doit s’accompagner de la déduction correspondante, calculée précisément selon la durée réelle de l’absence. Le montant retenu apparaît distinctement dans les éléments variables de la rémunération, permettant au salarié de vérifier la proportionnalité de la retenue. Cette transparence dans le calcul évite les contestations ultérieures et démontre votre respect scrupuleux des règles légales.
À découvrir : Nos solutions de gestion des bulletins de paie.
Les bons réflexes pour les RH et managers
Face à un mouvement de grève, votre réaction en tant qu’employeur conditionnera largement l’issue du conflit et votre sécurité juridique. Adopter les bonnes pratiques dès le déclenchement vous permettra de gérer sereinement la situation tout en préservant le climat social de votre entreprise.
- Écouter et noter les revendications : pour que le droit de grève soit reconnu, elles doivent être exprimées.
- Rester neutre et éviter toute sanction sauf en cas de faute lourde (volonté manifeste de nuire à l’entreprise).
- Gérer la paie avec rigueur : appliquer une retenue proportionnelle, ni plus ni moins.
- Maintenir un climat social apaisé : dialoguer avec les équipes non-grévistes pour éviter tensions et incompréhensions.
La journée du 10 septembre sera sans doute suivie dans de nombreux secteurs. Pour les employeurs, l’enjeu est de sécuriser la gestion RH et paie des absences tout en évitant les écueils juridiques.
À découvrir également : Nos solutions de gestion des ressources humaines.